Depuis la crise et chaque soir à 20h les habitants de la rue Crémieux se retrouvent depuis leurs balcons pour partager les applaudissements et 30 minutes de musique. Des événements arrivent et des liens se créent entre les familles nîmoises confinées. Récit.
La rue Crémieux se trouve dans le prolongement de la rue Général Perrier, une artère commerçante réputée du cœur de ville. Cinq commerces ont baissé leur rideau. Une rue sinistrée, symbole d’un centre-ville en grande difficulté. La crise du coronavirus est venue se rajouter à la désertification de cette petite rue qui relie la jolie place Bellecroix. Malgré cela, les habitants confinés dans des appartements se donnent rendez-vous chaque soir à 20h. Non seulement pour applaudir les soignants, les éboueurs qui défilent, les policiers qui circulent et autres travailleurs en première ligne mais aussi pour danser, prendre l’apéro, échanger aux sons de musiques délivrées par un DJ amateur durant trente minutes.
Se retrouver après le confinement
Il y a les sœurs jumelles de 13 ans, Eve et Mareva qui esquissent une chorégraphie sur un espace trop étroit sous l’œil de leur papa et de leur maman. Françoise et André, nichés sur les toits du côté pair de la rue, font des « bonsoirs » de la main qui dominent la rue. «Nous attendons la fin du confinement pour rejoindre notre maison secondaire dans les Cévennes» me disent-ils, impatients. Le dynamique Samy revêt son bob aux carreaux rouge et blanc et salue vigoureusement tout le monde chaque soir. « J’aimerai beaucoup que nous nous retrouvions à l’issue du confinement pour boire un verre et se parler dans des conditions normales » exprime cet habitant du quatrième étage. Au troisième de l’autre côté, une dame digne aux cheveux blancs fait signe de la main avec beaucoup d’élégance. On l’a aperçu se dandiner aux refrains des musiques de son époque. Ces séquences de vie ont attiré l’attention de Leila, journaliste à France Bleu Gard Lozère, qui promenait son chien. Elle a fait un reportage complet à lire et à réécouter ici par ce lien.
Des policiers municipaux qui dansent
Il se passe régulièrement des choses dans la rue Crémieux car la musique provoque des sourires approbateurs, des danses improvisées. Ce fût le cas un soir lorsqu’une patrouille de police municipale s’est arrêtée. Les deux occupants, une femme et un homme, sont sortis pour se lancer dans une valse improbable. De temps à autre, la Marseillaise fait résonner les façades de type Haussmannien. Un Rock and Roll gagne un balcon et un couple se déhanche avec grand plaisir (photo ci-dessus). Une famille s’est déguisée. Deux passants lèvent les yeux en l’air et se laissent gagner par le rythme d’un morceau funk. Un samedi soir, le virus de la musique s’est propagé jusque dans la rue Général Perrier. Le DJ de la rue Crémieux alternait avec celui de l’autre rue, chez Marion. Puis un soir, c’est un défilé de véhicules des éboueurs qui émet la rue Crémieux. Cet instant est capturé par un habitant. La vidéo sera vue plus de 130 000 fois sur Facebook dans la France entière. Incroyable.
Les habitants de la rue Crémieux se connaissaient à peine avant la crise sanitaire. Des saluts et des sourires polis tout au plus. Désormais, les liens se sont noués dans les regards et le partage de moments simples de vie de confinés nîmois.
Jérôme Puech
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